Partie d'exposé sur "Justice and the environnement" de Dobson
Réalisé dans le cadre d'un exposé collectif pour le cours de Patrick Savidan sur la Justice sociale et environnementale
La justice sociale est-elle une justice des hommes entre eux, un devoir éthique envers la nature ou bien un subtil mélange des deux? C’est cette hypothèse que Dobson analyse avec la conception B qu’il nous propose. Pour ce faire, il introduit la notion d’”irréversibilité”. On ne parle alors plus de capital naturel, mais plutôt de “nature irréversible”. La nature, en ce sens, n’est pas capitalisable; il ne s’agit pas de biens qui peuvent faire l’objet d’échanges et de production. Elle est, en quelques sortes, en elle-même. Dobson nous propose un symbolisme (une sténographie) des objets appartenant à la nature, des substances apparaissant dans la nature, de la nature organique (c’est à dire de tout ce qui touche à la vie, plantes et animaux) et inorganique (c’est à dire de tout ce qui appartient à la nature sans pour autant être vivant, comme le monde minéral ou encore le pétrole). L’idée de la conception B, c’est que que qui doit être protégé ce sont des aspects et des caractéristiques de la nature non humaine dont la perte serait irréversible. Il existe des similarités entre la conception A et la conception B. Une partie du capital naturel essentiel fait également partie de la nature irréversible. En conséquence, une des raisons de protéger ce capital c’est qu’il est essentiel à la survie ou au bien-être humain. Mais avec le concept d’irréversibilité, on y ajoute une dimension: la conservation de biens naturels pour leur valeur en eux-mêmes. Car lorsqu’on parle de capital naturel essentiel, pour qui est-il essentiel? Généralement c’est pour l’humain. Cependant, un nombre incalculable de pertes naturelles pourrait ne pas être essentielles à l’homme. De nombreuses espèces disparaissent sans pour autant que cela influe sur le bien-être de l’homme. On peut utiliser l’argument de la nécessité pour argumenter en faveur de la conservation environnementale, mais également celui de la valeur intrinsèque des choses qui viennent à être irrémédiablement perdues. Robert Solow est le représentant de cette pensée. Il prend l’exemple du grand canyon ou du parc national de Yosemite comme biens naturels qui ont une valeur intrinsèque. Ce ne sont pas des biens capitalisables. Pourtant, Dobson a l’air de dire ici qu’ils font néanmoins partie du capital nécessaire au bien être humain, peut être par leur beauté. Le devoir envers la nature s'ajoute à la valeur intrinsèque de ces biens naturels.
Eviter toutes les pertes irréversibles est un objectif impossible. Même sans l’action de l’homme, des espèces disparaissent alors que d’autres apparaissent. De plus, les bénéfices de certaines pertes, selon Dobson, doivent être mises en comparaison avec les bénéfices de ces mêmes pertes (peut-on parler d’utilitarisme environnemental?). Mais la notion d'irréversibilité doit être prise en compte dans ces calculs. Dobson souhaite également distinguer la perte irréversible de types de la perte irréversible d’individus: la perte d’un zèbre est une perte d’individu, celle de l’espèce des zèbres est une perte de types. Même si la perte de ce zèbre en particulier est regrettable; la durabilité s’occupe plus des pertes de types que des pertes d’individus. Robert Goodin parle de ce problème avec un exemple différent: ‘the protection of endangered species is so much more important to greens than the protection of particular specimens . . . what is crucial is that there be some blue whales, not that there be any particular number of them’. Le sujet principal est donc la préservation de la biodiversité. Contrairement à la conception A, ici on ne peut pas substituer les ressources perdues. Au pétrole, peut se substituer d’autres sources d’énergie; mais rien ne peut se substituer aux espèces perdues. Le pétrole ne peut pas être reproduit et une espèce perdue ne peut pas être rétablie. Nous pouvons substituer ou protéger seulement, mais pas remplacer. Le langage de la substitution n’a pas lieu d’être pour tout ce qui a une valeur intrinsèque parce que c’est unique plus que par la fonction que cela performe. Protéger prend alors une plus grande importance dans cette conception que dans la précédente.
Aux questions “pourquoi protéger” et “comment protéger”; on rencontre pour la première fois dans cette problématique une priorisation des besoins humains ou non humain plutôt que des désirs humains. Pour les partisans de cette version de la durabilité environnementale, le lien entre les besoins humains et non humains présents est essentiel. On prioritise les besoins non-humains de la génération en cours plutôt que les besoins humains de la génération à venir. Cela ne veut pas dire que ces besoins seront toujours mis de côté, mais plutôt qu’une perte irréversible ici et maintenant doit être soigneusement pesée face aux bénéfices qui en découleraient pour les générations futures. Un plus grand poids doit être donné à la génération actuelle, à l’ici et maintenant.
Certains commentateurs parlent de durabilité entre différents types de capital naturel, c’est le cas par exemple de David Pearce. Pour lui, les définitions du développement durable doivent permettre d’éviter, dans la mesure du possible, les pertes irréversibles d’effets naturels ou de compenser leur perte par d’autres effets naturels. Mais cela n’est possible que si ces pertes peuvent effectivement être compensées. Le principe de la conception B, c’est de réfléchir sur les pertes irréversibles et non compensables. Car le principe de la durabilité environnementale, c’est que la perte de certaines formes et caractéristiques de la nature sont irréversibles et ne pourront jamais être remplacées, ou alors seulement en partie. Pour Dobson, si les partisans de cette conception devaient mettre un prix monétaire sur les espèces, même en tenant l’argent entre leurs mains ils se sentiraient sérieusement dupés. La compensation offerte par un autre effet naturel ne leur apporterait surement pas non plus satisfaction.
Pour Pearce, la conception environnementale faible est problématique car elle ne laisse aucune place à l’environnement. La plupart des , dans cette conception, sont désirables pour ce qu’elles font, pas pour ce qu’elles sont. Pourtant, il est important de garder à l’esprit que certaines pertes ne peuvent pas se compenser. La nature ne possède pas un potentiel de compensation infini.
Dans la conception B, les devoirs envers la nature apparaissent comme première raison de protéger les espèces de la disparition. Dobson utilise le terme devoirs envers la nature plutôt que justice envers la nature car ce dernier terme supposerait que la nature nous aurait réclamé, d’une manière où d’une autre, considération. Il pense néanmoins que le langage de la justice, et en particulier de la justice distributive, est applicable à la nature non-humaine. Mais quelle forme prendrait cette justice? Dobson appuie sur quatre questions (présentes dans la table 5; première rangée): Qu’est-ce que la communauté de la justice? Quelles en sont les options? Qu’est-ce qui est distribué? Quel est le principe de cette distribution? Mais il se confronte aussi à des questions relative à la structure de base des théories de la justice. Généralement, si la nature n’est pas incluse dans les questions de justice, c’est parce qu’elle ne remplit pas les conditions d’inclusions mises en place dans les théories de la justice. Rawls les définit par exemple comme “ les bases de l'égalité, les caractéristiques des êtres humains en vertu desquelles ils doivent être traités conformément aux principes de justice”; mais il se demande à lui même sur quelle base on exclut le reste du vivant de ce principe de justice. Il justifie ce choix par la capacité des individus moraux à avoir leur conception propre de leur bien ainsi qu’une conception de la justice. Walzer, quand à lui, justifie la même exclusion par la capacité de l’homme à créer sa propre culture et de donner du sens au monde. Il fait également appel à toute une série de caractéristiques: corps, esprit, sentiments espoir et peut-être même l’âme. Or, Dobson fait remarquer que les trois premières caractéristiques de cette liste appartiennent aussi aux animaux. L’existence de l’âme étant sujet controverse ainsi que son exclusivité humaine; cela nous laisse avec seule caractéristique unique à l’homme l’espoir. Les caractéristiques utilisées pour exclure le non-humain de la justice peuvent aussi souvent être des passerelles envers les espèces. Or, il n’y a pas de manière plus correcte qu’une autre de choisir ces critères exclusifs. Charles Taylor, lui, se base alors sur l'intuition pour justifier le respect que l’on se doit entre êtres humains. Or; cette même intuition change selon les individus et certains l’auront également en ce qui concerne les animaux. Il peut donc paraître rationnellement incohérent d’exclure les animaux de la justice. Nozic soulève le fait que peut-être ne voulons nous tout simplement pas inclure les animaux dans la justice. Comme Walzer, il utilise l’âme comme caractéristique humaine; mais il ne l’exclut pas aux animaux. Il tente d’inclure la capacité à faire des plans sur le long terme comme caractéristique humaine; mais là encore il n’est pas satisfait: cela inclut une obligation de donner du sens à sa vie, mais n’aurions nous pas le droit de mener une vie sans but? Pour Dobson, le fait que Nozic ne trouve pas de critère déterminant pour connaître les limites de la communauté de la justice peut indiquer qu’on ne doit aux animaux aucune justice comme cela peut indiquer qu’on leur doit une certaine justice sur des bases ineffables et inexplicables. Existe-t’il une limite à ce que nous pouvons faire aux animaux? Se questionne Nozic.
Benton réfléchit au droit animal dans Natural Relations: Ecology, Animal Rights and Social Justice. Les hommes sont une forme d’êtres naturels, ils appartiennent au cycle de la nature, plus qu’ils ne sont des êtres privilégiés par leur capacité à penser mis à part contre la nature. Il met au centre de la scène ce que les hommes partagent avec les animaux; et plus spécifiquement le corps et les nécessités biologiques. La santé, la sécurité physique, l’abri, la nutrition sont indispensables aux hommes autant qu’aux animaux. Pour ces besoins, les animaux ont besoin des hommes mais les hommes ont aussi besoin des animaux. En ce sens, il existe un partenariat entre humains et animaux: dans le labour, l’animal était nécessaire jusqu’à l’invention mécanique; il l’est également pour la consommation de viande. Il existe alors un continuum animaux/humains. Cela ouvre une voie vers les limites de ce que les hommes peuvent faire des animaux. En ce sens, on leur doit une certaine justice. Leurs besoins doivent donc être pris en compte dans ce sens. SI il est dans le besoin d’une espèce, par exemple, de mener une vie de famille (c’est à dire de nouer des liens sociaux avec des animaux de leur espèce de l’autre sexe ainsi qu’avec leurs petits durant un certain temps); si cela est essentiel au bon développement physique et psychique de cette espèce; alors il est essentiel de lui laisser cette opportunité. Dans ce cas, l’élevage comme il est aujourd’hui pratiqué doit être remis en question. Il distord en effet les modes de vie des espèces qu’il utilise; de plus ces dernières n’ont pour seul but que de servir une autre espèce au mépris de leurs propres besoins. Ils ne sont utilisés que comme moyen et jamais comme fin. Il pense néanmoins que les droits des humains et ceux des animaux ne doivent pas peser également dans la balance de la justice. Les besoins ne sont pas les mêmes; par exemple ne pas pouvoir pratiquer sa religion peut rendre être être humain misérable alors que cela n’a aucun sens pour un chien ou un chat.
Feinberg nous offre encore une autre conception du droit animal. Les animaux ne peuvent pas avoir de devoirs; mais en quoi est-ce que cela les empêche d’avoir des droits? Ils ne peuvent pas clamer leurs droits, mais Feinberg contre cet argument en prenant l’exemple des enfants: eux non plus n’ont pas les moyens de réclamer leurs droits, pour autant nous ne pensons pas à le leur enlever. Si on accepte cela, on étend la communauté de la justice. C’est alors l’intérêt qui fait le droit. En ce sens, l’intégralité de la nature a un intérêt: sa survie. Nous avons donc envers elle des devoirs, nous devons à minima ne pas lui nuire de manière irréversible.