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Synthèse sur la Logique de Kant

Réalisée dans le cadre de la validation du cours d'épistémologie d'Ali Benmaklouf 

La logique de Kant est un ouvrage court, mais d’une grande densité. Il présente une réflexion sur les règles essentielles de la logique, et prend en quelques sorte la forme d’un manuel de pensée visant à nous rapprocher de la vérité et à nous éloigner de l’erreur en analysant ces dernières. Il est complexe de faire un résumé d’un tel livre, chaque ligne ayant une grande importance. Nous avons pris ici le parti d’en faire un résumé non exhaustif, afin de pouvoir approfondir quelques points, tout en essayant de traiter d’une grande partie des sujets de l’ouvrage.

 

  Kant commence son ouvrage la logique sur une affirmation forte. Tout dans l’univers a une raison ; il obéit à des lois logiques. Quand nous ne comprenons pas ces lois, c'est qu'elles nous sont inconnues et non pas qu’elles sont incomplètes. Notre entendement lui aussi est soumis à ces lois. Pour appuyer cette affirmation, Kant prend l'exemple de la grammaire, que nous utilisons tous pour pouvoir communiquer sans pour autant avoir besoin de la connaître dans ses moindres détails. 

Il distingue deux règles de l’entendement : les nécessaires et les contingentes. “Les premières sont celles sans lesquelles aucune fonction ne pourrait avoir lieu;  les secondes sont celles sans lesquelles certaines fonctions déterminées ne pourraient avoir lieu” . Concernant les règles contingentes; elles sont aussi nombreuses que les objets auxquels elles se réfèrent. Par objet de réflexion, Kant semble entendre domaine. Il ne définit pas ces objets de réflexion, mais en donne des exemples: les mathématiques, la métaphysique ou encore la morale. Il dit ces règles contingentes car nous ne les utilisons que lorsque nous faisons appel à ces domaines particuliers. Mais il existe également des règles que nous utilisons “sans aucun égard aux objets particuliers de la pensée”. Il les appelle nécessaires, car ces règles sont nécessaires à la pensée. Ces règles peuvent être définies à priori car elles contiennent les “conditions de l’usage de l’entendement en général”, sans distinguer d’usages particuliers. Elles ne nécessitent pas de faire appel à l’expérience. Ces règles ne peuvent donc concerner que la forme de la pensée, c'est-à-dire la manière dont elle fonctionne, et non pas sa matière, c'est-à-dire les sujets sur lesquels elle porte. La science de la forme de la pensée; c’est la logique. 

En ce sens, la logique peut être considérée comme le fondement de toute connaissance intellectuelle. Cependant, elle ne peut servir d”organum” pour les sciences; c’est-à-dire qu’elle ne peut constituer une règle d’acquisition de connaissances puisqu’elle ne porte sur aucun objet en particulier. Elle ne peut servir qu’à critiquer et rectifier notre connaissance.  Pour autant, sans la logique, “aucun usage de l’entendement et de la raison n’est possible”. Elle est un “canon de l’entendement et de la raison”, les règles sur lesquelles doit reposer notre mode de pensée. Les lois de la logique sont les lois sur lesquelles repose le partage universel de l’entendement en général. 

Kant se penche ensuite sur la nature des connaissances afin de définir celle de la philosophie. Il distingue connaissances rationnelles et connaissances historiques. “Les premières sont des connaissances par principe, les secondes sont des connaissances par données”. Les connaissances ont une origine objective; c’est à dire qu’elles émanent de sources uniques et sont donc ou rationnelles ou empiriques; et une origine subjective qui correspond à la manière dont elles sont acquises par l’homme, elles sont alors ou rationnelles ou historiques. Les connaissances historiques sont acquises par l’apprentissage et peuvent suffire pour certaines tâches (Kant prend l’exemple du navigateur qui sait naviguer parce qu’il l’a appris par des tables); mais ne sont pas suffisantes dans d’autres cas (Kant prend l’exemple de la jurisprudence) et demandent alors une réflexion. Les connaissances sont donc acquises soit par apprentissage par reproduction de ce qui a déjà été découvert, soit par raisonnement. C’est à cette deuxième catégorie que doit appartenir la philosophie, car elle ne peut pas être le fait d’un usage d’imitation mais doit être celui d’une raison libre. 

Kant lie  philosophie et mathématiques en ce que ce sont des connaissances a priori, des connaissances par principe; mais il les oppose par leur usage de la raison. “La philosophie est la connaissance rationnelle par simples notions; les mathématiques; au contraire, sont la connaissance rationnelle par la construction des notions”. Il définit la philosophie comme “le système des connaissances philosophiques ou des connaissances rationnelles par des notions”. C’est “la seule science qui n’ait qu’une valeur intrinsèque et qui en donne à toutes les autres connaissances”. 

Kant mène ensuite une réflexion sur le but de la philosophie, et la qualifie de législatrice de la raison. “Le philosophie est un législateur et non un artiste en matière de raison”. Kant donne à la philosophie le sens d'habileté, de capacité mais également de science de la sagesse. C'est pour lui la législatrice de la raison. Kant appuie l'idée que le  véritable philosophe est le philosophe pratique, qui transmet sa sagesse par un enseignement et des exemples. Pour être enseignée, la philosophie nécessite un effectif suffisant de connaissance rationnelle mais également un ensemble systématique de ses connaissances. Pour Kant, elle est “la seule science qui est dans le sens le plus strict en ensemble systématique  Et qui donne aux autres sciences une unité systématique.” Pour nous parler de philosophie, Kant nous pose quatre questions auxquelles peuvent répondre d'autres matières, notamment l'anthropologie puisqu' elle répond à la question qu'est-ce que l'homme ? Qui répond elle-même à toutes les autres. De là, il déduit que le philosophe doit pouvoir déterminer les sources du savoir humain, la circonscription de l'usage possible et utile de toute science et les bornes de la raison. On peut se questionner sur ce qui amène Kant à faire ce lien entre anthropologie et philosophie, il n'est pas clairement énoncé dans son raisonnement. Il arrive effectivement souvent en philosophie que nous fassions appel à l'anthropologie. 

L'apprentissage de la philosophie ne peut se faire qu’en apprenant accompagné de sa propre raison. La philosophie ne peut pas s’apprendre par la lecture d'autres ouvrages uniquement, parce qu'elle n'est pas encore entièrement donnée. Quand bien même elle pourrait apprendre de cette manière, elle ne le sera presque toujours que subjectivement et  de manière historique; or nous avons vu précédemment que ce n'était pas de cette manière que pouvait s'apprendre la philosophie mais uniquement par l'usage de sa raison. Contrairement aux mathématiques qui, eux, peuvent s'apprendre de cette manière. « le véritable philosophe, comme libre-penseur, doit faire un usage indépendant et propre, et non en usage servile de sa raison. Mais il ne doit pas en faire un usage dialectique, c'est-à-dire en usage qui tendrait à donner aux connaissances une apparence de vérité et sagesse qu'elle n'aurait pas. C'est là une œuvre digne des sophistes tout à fait incompatible avec la dignité du philosophe comme possesseur et précepteur de la sagesse. » 

“Toute connaissance est un double rapport qui tient d’une part à l’objet, et d’autre part au sujet. Sous le premier point de vue, elle se rapporte à la représentation, sous le second à la conscience qui est la condition universelle de toute connaissance en général. La conscience est proprement l’idée qu’une autre idée est en moi”. Kant distingue également dans la connaissance la matière, soit l’objet; et la forme; soit la manière dont nous connaissons l’objet. La conscience est la condition qui accompagne toute connaissance, mon idée ne peut être claire que si j’en ai conscience. La logique ne devant s’occuper que des idées claires, la conscience en est une condition essentielle. La logique n’étudie pas la naissance des idées, mais la manière dont elles s’accordent avec la forme logique. Elle s’occupe des règles de la pensée dans les notions, les jugements et les raisonnements. Il distingue également clarté et non clarté. La non clarté, c’est la conscience de toute la représentation mais non de la diversité qui y est contenue. Par exemple, si nous voyons une maison au loin, nous avons une représentation de ce qu’est l’objet maison, nous nous faisons une idée de ses différentes parties comme les portes ou les fenêtres, sans pour autant avoir une idée exacte de ce à quoi ressemblent ces dernières ou de la manière dont elles sont positionnées: nous en avons une représentation obscure. Cela est valable aussi pour les notions; nous arrivons à saisir ce qu’est la beauté, sans nous en faire une idée exacte. Toute connaissance obscure n’est pas pour autant confuse. Le confus vient du désordre, or il n’y a pas d’ordre ou de désordre dans les connaissances dont l’objet est simple, nous pouvons donc en avoir une connaissance obscure sans pour autant qu’elle soit confuse. Ces connaissances ne contenant aucune diversité, nous ne pouvons pas en avoir une idée claire puisque l’idée claire est l’idée de la diversité d’un objet. Cependant, nous ne pouvons pas en avoir une connaissance confuse. La clarté peut être sensible; j’ai conscience de la diversité dans l’intuition sans en avoir fait l’expérience; mais elle peut également être intellectuelle: dans ce cas, la clarté est due à la décomposition de la diversité de la notion. Les notions sont alors améliorées non pas dans leur matière mais dans leur forme. 

“Toutes nos connaissances sont en effet des intuitions ou des notions”. Les intuitions prennent leur source dans la sensibilité, les notions prennent leur source dans l’entendement. Cela sert de base à la distinction entre la perfection esthétique et la perfection logique de la connaissance. La perfection logique, c’est l’accord avec l’objet, elle repose sur des lois universellement valables; cela demande un jugement à priori avec des règles. La perfection esthétique, c’est l’accord de la connaissance avec le sujet; elle est fondée sur la sensibilité. 

Une connaissance acquiert une perfection logique selon quatre qualités: la quantité si elle est universelle; la qualité si elle est lucide; la relation si elle est vraie; la modalité si elle est certaine. La perfection esthétique découle sur la généralité esthétique, l’applicabilité d’une connaissance à une foule d’objets qui peuvent servir d’exemples, auxquels peut se faire l’application des ces connaissances. La lucidité esthétique est lucidité dans l’intuition, c’est une notion abstraite expliquée de manière concrète par des exemples. La vérité esthétique, la vérité subjective, l’apparence générale et la certitude esthétique reposent sur le témoignage des sens, confirmé par l’expérience. 

La quantité des connaissances est soit extensive soit intensive. Une connaissance étendue comportera de nombreux sujets, une connaissance intensive est une connaissance qui a une forte valeur et une forte fécondité logique. Pour augmenter l’étendue de nos connaissances, il faut déjà définir l’horizon de ces dernières. Il peut se déterminer en partant de ce que l’homme peut savoir, de ce qu’il doit savoir et de ce qu’il a besoin de savoir. Pour Kant, “absolument aucune connaissance n’est inutile”; toute éclaircissement, même sur un seul objet, est utile. “Toute connaissance logiquement parfaite a toujours quelque utilité possible qui quoique à nous inconnue jusqu’à ce jour, se révèlera sans doute à la postérité”. La science n’est pas mue par le profit matériel qu’on peut en retirer. La vérité est d’ailleurs un plaisir en elle-même, indépendamment de son utilité. 

La vérité est la condition essentielle de la connaissance. Elle constitue dans l’accord de la connaissance avec l’objet.  Kant cherche un criterum “certain, général et applicable” de la vérité. Pour qu’une connaissance soit vraie, il faut qu’elle ne soit pas en contradiction avec elle-même; qu’elle soit fondée logiquement (qu’elle n’ait pas de conséquences fausses). Des conséquences vraies ne signifient pas que les prémisses sont vraies; mais si toutes les conséquences sont vraies cela signifie que la connaissance est vraie car si elle ne l’était pas, une des conséquences devrait être fausse. Le modus tollens est la démonstration de la fausseté d’un argument par la démonstration de la fausseté d’une de ses conséquences. Le modus ponens permet d'émettre des hypothèses lorsque plusieurs conséquences sont vraies, on suppose alors que toutes les autres le seront; il est invalidé dès que l’on trouve une conséquence fausse (cela peut faire penser à la falsifiabilité de Popper). Le modus tollens est invariablement fiable, ce qui n’est pas le cas du modus ponens qui peut amener à un jugement erroné. 

Kant définit le jugement erroné par “celui qui confond l’apparence de la vérité avec la vérité elle-même”. L’erreur vient de l’apparence de vérité donnée à une croyance, l’apparence d’objectivité donnée au subjectif. La meilleure manière de lutter contre l’erreur, c’est d’expliquer d’où elle provient. La comparaison de notre jugement avec celui des autres peut être un indice d’erreur, le point de vue subjectif n’étant pas le même chez tous. Cependant, cela ne doit pas nous amener à rejeter notre jugement mais seulement à le revoir, on peut avoir jugé correctement l’objet mais l’avoir mal énoncé. Pour éviter l’erreur, Kant propose trois règles: penser par soi-même; confronter ce jugement avec celui des autres et être toujours cohérent dans son système de pensée, en accord avec soi-même. 


 

Kant distingue sept degrés de connaissance: la représentation de quelque chose, la représentation consciente de quelque chose, la connaissance de quelque chose par comparaison avec autre chose, la connaissance de quelque chose par l’entendement, la distinction de quelque chose par la raison et la compréhension de quelque chose pour une certaine fin. Lorsqu'on comprend pleinement un objet ou une notion, grâce à la raison, on peut alors considérer qu’il s’agit d’une vérité. La croyance constitue la qualité par laquelle on se représente quelque chose comme vrai, le rapport subjectif à un sujet. Il existe trois sortes de croyances: l’opinion, la foi et la science. L’opinion est le jugement d’un problème, la foi le jugement, la foi est un jugement par l’assertion et la certitude est un jugement face à quelque chose qui nous paraît évident. Les préjugés sont des jugements provisoires admis comme principes. Ils engendrent des jugements erronés. Ils ont pour principale cause l’habitude, l’imitation et l’inclination. 

Kant nous a défini dans cet ouvrage un cheminement et des règles logiques afin de nous rapprocher de la vérité et de nous éloigner de l’erreur, mais il a également établi des degrés de connaissances possibles et différencié les erreurs et les croyances.

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